Pages

lundi 24 février 2014

Ce que ne montre pas la photo

Paris 14e, Vaugirard-Maine, tour Montparnasse, photo à la main

La photo a formé notre impression de réel, on oublie qu’elle est construite. La cohérence et les nuances de tous ces points de lumière est fort convaincante. Il faut bien des touches, dominées par une puissante vue d’ensemble, pour produire à la main une si bonne impression. Mais cet effet sur l’œil n’est pas tout le réel, juste une partie. Ainsi, pourquoi les naturalistes dessinent encore ? Parce que le trait sait fouiller des plis de poils où se cachent les articulations. Dessiner c’est comprendre. Et pour la couleur, rien n’est plus faux que la photo. Du temps de la pellicule, c’était toute une chaîne industrielle, avec à chaque étape une interprétation. Kodak plus chaud et Fuji plus froid disait-on. Avec un appareil qui sort du pixel brut (raw), on mesure le peu de contraste qu’un capteur peut attraper. Dans l’absolu, le réel est surtout gris, le contraste et la couleur, c’est un artifice, la photo n’est pas naturellement “réaliste”.

Paris 14e, Vaugirard-Maine, tour Montparnasse, photo retraitée.

Cette scène de nuit aurait demandé un pied, un meilleur appareil, tant pis. Faute de matériel, j’ai fait l’artiste. Pause longue, bougé, et trituration numérique. Le capteur n’est pas trop mauvais, en fouillant bien, on débouche le noir pour y trouver quelques nuances, mais, on trouve toujours les mêmes ingrédients, les couleurs du capteur (rouge, vert, bleu). Alors quand on sature au maximum, on retrouve la même chose (ou les mélanges, ici jaune et cyan). Pire, il suffit d’une dominante, ici l’orange des lumières au sodium, pour que tout le reste soit tiré vers la complémentaire (le cyan). Ces couleurs sont complètement fausses, ou plutôt, l’œil est une chambre beaucoup plus perfectionnée. Il est toujours au point, tire l’image sur tout le spectre du visible, du blanc au noir, profond dans les verts, subtil dans les rouges, une machine extraordinaire. Il y a moins de détail et d’exactitude, mais parfois plus de réel, dans un simple bout de peinture.

Paris 14e, Vaugirard-Maine, tour Montparnasse, même lieu, même heure, meilleur papier

4 commentaires: