[ par Carnets d'Agnès ]
Contrairement à d’autres quartiers
parisiens où les dessinateurs semblent transparents, dans le quartier de la
Goutte d’Or, il est difficile de passer inaperçu. C’est mon cas ce jour de
marché à l’occasion de l’Aïd. C’est tout un monde joyeux et coloré qui s’anime
rue Myrha et alentours. Les marchandises débordent des étals, c’est une
profusion d’aliments, de fruits importés, feuilles et légumes inconnus. Il y a
aussi des viandes dépecées, des morceaux non identifiés, des poulets à 3 euros,
des tripes, des boyaux, même des têtes avec les langues qui pendent… Je me sens
exotique à mon tour. S’installer pour croquer relève de l’exploit. Ça grouille
dans tous les sens, les uns livrent, les autres achètent, des éclats de voix, un
monde fou en ce jour de fête. Je décide de me poser dans une petite cantine
végétarienne où je me sens plus au calme. Et chance, la vitrine donne sur des
petites échoppes, notamment celle de tissus wax. Les femmes passent,
s’arrêtent, reviennent, dans leurs beaux costumes faits main, tous chatoyants
et ultra vifs. Pour mettre l’accent sur leurs beaux vêtements, je
décide de laisser le décor noir et blanc pour mettre en valeur les tissus.
Pourquoi pas proposer l’aventure
aux urbansketchers restés à Paris en ce mois d’août ensoleillé ? Et voilà,
cette jolie cantine nous accueille en ce samedi toujours caniculaire. J’arrive
en avance et attaque le croquis de cette boucherie à la sortie du métro. Non
pas que je sois une adepte, mais cette devanture rouge attire mon regard.
Assise sur mon petit pliant dans
un coin de porche, je me fais discrète et croque ensuite une épicerie de
produits exotiques. Les livreurs admiratifs m’aident à identifier les produits
proposés : feuilles de bissap, patates douces, bananes plantin, gingembre,
piments, manioc… Je demande ensuite au boucher voisin de m’autoriser à dessiner
les têtes qui m’avaient fait de l’œil la dernière fois. Il papote en même temps
et me demande un portrait. Va pour le boucher. Je me dépêche, car un peu plus
et c’est moi qui tourne de l’œil.
Ensuite c’est Kayta, une vendeuse
de safou à la sauvette qui m’interpelle. Elle aussi veut son
portrait. Puis je croque des femmes de dos, pour ne pas les déranger. Mais elles
me guettent quand même du coin de l’œil. Assises sur des cartons, elles
papotent, hèlent le chaland, rient, s’interpellent… L’une d’elles vient me
voir, elle espère être dessinée. Quand je lui montre à la fin, elle est ravie
que je lui aie épargné les petits bourrelets pris ce mois-ci.
C’est ça, la magie du dessin, dessiner
les contours au gré de ses envies.
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