lundi 29 avril 2019

Notre-Dame de Paris, après le feu et les larmes

[ par Marion Rivolier, Mat Let, Annick Botrel et Claire Archenault ]



Marion Rivolier
Comme tout le monde le sait et l’a vu, Notre Dame s’est enflammée lundi soir. Le toit, la charpente et la flèche sont parties en fumée sous les yeux ébahis et affolés des parisiens ...
Samedi, je suis passée la voir. Je l’ai abordée du côté oriental. Depuis le quai d’Orléans, j’en vois l’arrière. Le toit se devine toujours dans le dessin des échafaudages. Une grue émerge entre les deux tours de la façade, on dirait une trace, la mémoire, de la flèche perdue.
Je m’installe sur le quai pour la peindre, une première fois dans son nouvel état. Je sais que bientôt l’échafaudage sera démonté, le vide du toit bâché, le pignon consolidé.
Durant les prochaines années, elle changera souvent de visage… Il y aura probablement quelques aquarelles pour marquer ces étapes.


Mat Let
Je n'aime pas trop croquer les monuments, ils sont complexes à dessiner et puis, ils sont là pour toujours, non ?
Pour tout dire, avant l'incendie je n'avais dessiné Notre-Dame que trois fois : en trente minutes lors d'un stage, en 20 minutes avec une amie pressée et en 1 minute trente (pour un résultat atroce) lors d'une balade sur la seine il y a quelques semaines.
Mais l'incendie m'a choqué comme tout un chacun et m'a prouvé que rien n'est éternel, même pas les cathédrales.
Le soir de l'événement, ma copine m'incite à partager mes dessins sur les réseaux sociaux, mais je n'en suis pas très fier et n'ai pas très envie de partager quelque chose qui ne reflète déjà plus la réalité.
Le lendemain, je me rends sur les bords de Seine pour rendre hommage à la grande dame blessée et capturer son nouveau visage après cette catastrophe historique. Cette fois, je prends mon temps pour l'observer et la dessiner.
Bien que blessée, elle m'apparaît tout de même fière et forte, toujours debout. L'absence de toiture semble presque naturelle, mais la flèche manque plus que tout ! Cette flèche, je la trouvais majestueuse, mais elle était si noire que j'avais hâte de la voir restaurée... ce qui n'arrivera jamais.

La présence d'un carnettiste à cheval sur le parapet en train de dessiner la cathédrale n'a pas manqué d'attiser la curiosité des passants... et des journalistes !
Et me voilà tour à tour en train d'être interviewé par la télé arménienne puis en direct par Cnews.
Je n'ai pas de réflexion particulièrement brillante à offrir aux médias et ils n'arrivent guère à mettre mon dessin en valeur dans leurs images. Mais enfin, les journalistes ont quelque chose d'un peu original à se mettre sous la dent moi je peux appeler ma mère en lui disant que je suis passé à la télé !

Quoiqu'il en soit, je me suis promis de respecter un peu plus la beauté des monuments, maintenant que je sais que comme nous ils sont éphémères, et de revenir régulièrement croquer Notre-Dame au fil de sa reconstruction.


Annick Botrel
J’avais déjà dessiné Notre-Dame en 2016, avec sa flèche et son toit bien visibles. Plus récemment à Noël avec son traditionnel sapin. L’incendie et le battage médiatique qui s’ensuivit conféraient tout à coup à cette vieille dame une touche de « célébrité » supplémentaire. Le soleil rayonnant et la soif d’évènement sensationnel attiraient un nombre croissant de badauds. Plus peut-être que la visite au chevet d’une grande malade. Il manquait la flèche. Une grue ou un bras métallique la remplaçait optiquement, un peu plus courte et coiffée d’une touche orange. De entrelacs des échafaudages déjà présents avant la catastrophe et comme d’une gigantesque toile d’araignée, émergeait une nacelle jaune. Quelque chose clochait et l’ambiance festive autour plutôt incongrue. J’aurais sans doute du traiter cette ferraille noire à l’encre pour donner un côté plus dramatique.


Coté parvis, nous avons réussi à nous glisser juste derrière la banderole rouge et blanche du périmètre de sécurité. J’ai discuté avec un CRS sympa, en plein cagnard, suant sous son harnachement mais ravi d’être dessiné ! Moi aussi, d’ailleurs, j’ai souffert pour ne pas me perdre dans les détails de cette architecture massive mais sophistiquée. Ma tour penche comme si elle allait tomber.
Le plus émouvant et surprenant était ces grands bras métalliques qui s’activaient le long des tours comme des bras de chirurgiens. Des pompiers en orange fluo se déplaçaient sur les balcons comme de minuscules fourmis. Je me serais d’ailleurs bien passée des interviews de journalistes arrivés comme des mouches et me demandant mon ressenti. Le reportage dessiné est sans doute une manière moins intrusive de couvrir un événement. Curieux aussi que la parole déconcentre autant quand on dessine.


Claire Archenault
Je suis passée sans la voir bien des fois.
Je suis passée sur le Pont d'Arcole samedi dernier, et j'ai vu la grande fragilité de cette amie, handicapée, et pourtant vénérée par le monde entier .
Arrivée à 17h30, rue des Chanoinesses, ce 23 Avril 2019, juste 8 jours après l'incendie j'ai posé ma boîte d'aquarelles au sol, le gardien des barrières de protection était gentil et souriant .
Je me suis battue avec mes pinceaux, un papier aquarelle mis à l'envers, mais surtout tous ces félins charpentiers en train de démonter et remonter des échafaudages, ils démontaient les derniers de la flèche, et remontaient pour bâtir protection à dame sans toit, avant que n'arrive la pluie.
J'ai remarqué que les ouvriers de Notre-Dame n'ont ni harnais ni protection, ils étaient 4, pour sauter de gargouille en gargouille, les échafaudages de bois sont déjà là pour soutenir les transepts, mais hélas ce dur labeur n'est pas considéré à sa juste valeur.
Aujourd'hui j'apprends que l'enquête judiciaire se tourne vers l'entreprise qui les embauche…
J'ai baptisé mon dessin Notre-Dame des Travailleurs.

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